7h30, alors que je prends mon 1er café de la journée, je pense à toutes celles et ceux qui vont vivre cette étape dans leur vie professionnelle. Cette question peut avoir plusieurs réponses mais là, ce matin, je désire partager avec vous un outil puissant, qui m’aurait évité de faire bien des erreurs dans l’un de mes anciens postes, celui de directeur adjoint d’un établissement de luxe.
L’outil que je vous présente ici est un cadran qui va vous permettre de comprendre ou en tous cas d’y voir plus clair sur ce que se joue dans toutes les prises de postes et plus largement, dans toutes relations.
Le fameux cycle de l’autonomie de Katherine Symor
Pour nombre de mes clients, l’autonomie dans leur travail signifie l’indépendance, le fait de pouvoir faire comme bon leur semble, hélas, il s’agit là d’une mauvaise interprétation. Une confusion sémantique entre le mot « autonomie » et le cycle de l’autonomie. Car l’autonomie n’est pas l’indépendance. L’indépendance est une des phases du cycle.
Alors ce cycle comment se déroule-t'il ?
Tout d’abord il faut deux protagonistes. Prenons le cas d’un manager et de son nouveau collaborateur.
Phase 0 : la dépendance
Dans cette phase, la relation est simple. Le nouveau collaborateur ne connaît pas encore clairement le sens ou la vision de l’entreprise. Il n’a peut-être même pas le sens de sa présence dans ce job. Croyez-moi, cela arrive bien plus souvent que l’on imagine.
Il ne dispose pas encore assez d'éléments pour faire partie, en pleine conscience, de l'équipe ou du projet. Vous-même vous êtes-vous demandé le sens de votre travail ou présence, dans cette entreprise ? Donc cette phase 0 est importante car c’est le moment où le manager doit protéger, avec bienveillance, et douceur son collaborateur. Mais pas que. Il doit aussi progressivement amener celui-ci à sortir de sa zone de confort, à oser dire "non". Le rôle du manager est d'amener son collaborateur à faire le deuil de cette phase, perdre le confort d'être guidé, gagner le fait de penser autrement. Ainsi le collaborateur va-t-il pouvoir accéder à la phase 1 de l’autonomie.
Phase 1 : la contre-dépendance
Ici le collaborateur va explorer son droit à dire « non », à s'affirmer de manière positive, car le "non" dans ce cas est positif. Pour lui le sens n'est pas encore clair, et en même temps il désire de plus en plus faire partie de l'équipe ou du projet. Il ne sait pas encore mener parfaitement sa mission à bien, et peut facilement se mettre en colère, ou même devenir une sorte d'accusateur, ou d'éveilleur de doutes, dans l'équipe.
La difficulté managériale à cet endroit précis, est d'accepter sa propre frustration. Accueillir la colère du collaborateur sans tomber dans les croyances limitantes, et ainsi se transformer en victime. Au contraire son manager doit l’inviter le plus vite possible à trouver et proposer ses propres solutions. Par exemple, dire avec une attitude positive et solidement ancrée : "vous avez le droit de ne pas être d'accord avec cela, et c'est pour cette raison que je vous invite à me proposer une solution alternative". Il faut pour le manager "lâcher prise" et ne pas hésiter à se faire accompagner pour être capable de faire encore évoluer le collaborateur. Car celui-ci va devoir faire le deuil du confort d'être dans une opposition, ou d'être irresponsable. Il va devoir cheminer vers le fait "d’assumer" ses responsabilités, et ne pas transférer ses erreurs ou fautes sur les autres. Ainsi, il gagne le droit de se construire en allant vers le 3ème volet du cycle de l'autonomie.
Phase 2 : l'indépendance
Même si le collaborateur a encore du mal à adhérer au sens ou aux objectifs de sa mission, il est clair qu'il sait faire son travail, et qu'il se sent bien dans son équipe. Il va chercher à s'affranchir, mener des actions en solo, explorer de nouvelles méthodes, refuser de l'aide, et commencer à désirer être considéré par son manager comme étant un "pair". Le risque à cet endroit est que le collaborateur devienne un électron libre, et prône l'individualisme à outrance. Le manager va devoir adopter une position très claire et ferme : être exemplaire et modélisant pour le collaborateur et accueillir avec bienveillance sa propre peur de voir ce dernier prendre le dessus ou un cap différent.
C'est souvent le moment où le manager décide de "brider", et ne plus partage avec le collaborateur. Alors que c'est justement dans cette phase, que le partage doit commencer à être bien réel et cadré. Pour ce faire, il pourra par exemple inviter le collaborateur à venir avec lui à une réunion de travail, à prendre un moment pour lui proposer d'aller rencontrer tel confrère, à explorer un axe plus en rapport avec le sens de la mission, etc. Car ce qui va se passer à ce stade, c'est la marche vers l'autonomisation réelle du collaborateur ou de l'équipe qui est en jeu. Ainsi pour pouvoir faire le deuil de ce stade très souvent prôné par les collaborateurs, il va falloir au manager un lâcher prise et un accompagnement sur sa propre "identité managériale" (RDO, RR, RDS*). Il va lui falloir aider le collaborateur à renoncer à travailler à son propre rythme pour accéder à la richesse du partenariat et du partage avec les PAIRS. A ce stade l'accès à cette 4ème phase se produit et on passe du "moi je " à " oui si" ou "oui mais".
Phase 3 : l'interdépendance
Pour beaucoup de collaborateurs c'est le graal professionnel, voir même d'une reconnaissance absolue.
J'aime souvent à rappeler que l'ouvrier qui a passé des mois entiers à couler du béton pour le viaduc de Millau, lorsqu'il passe dessus aujourd'hui en voiture en famille, il déclare : "c'est le pont que papa a construit", plutôt que "c'est ici que je me suis échiné des heures durant pour un salaire de misère par des conditions climatiques difficiles etc...".
Dans cette phase de l'interdépendance, le collaborateur adhère entièrement aux objectifs. La vision de l'entreprise pour lui est claire et le sens aussi. Il connait et sait très bien faire son travail, voir même est-il considéré par son management et ses collègues avec qui il entretient de très bonnes relations, comme un expert. Dans cette phase, le rôle du manager est clairement de faire grandir en partageant ses connaissances et son réseau. Il va accompagner le collaborateur par modélisation ou mentoring. Souvent mes clients à ce stade de l'identité managériale me demandent de les accompagner sur la position "juste" du mentor.
Il y a un risque dans cette phase du cycle : c'est le moment où collaborateur et manager deviennent "chevalier" ou "sauveur". Parfois même pour certains, il sont aux portes du principe de Peter**. Puis le cycle continue et évolue vers un nouveau cycle 0'-1'-2'-3' etc etc, sans fin.
Si en introduction j'ai parlé de cycle c'est qu'il faut imaginer ces 4 phases non pas comme une roue plate, mais plutôt comme une spirale dynamique de l'autonomie dont l'axe est rattaché à la base, au socle de l'entreprise (valeurs, ADN), et pointe vers une direction précise (la VISION). Cet axe est le SENS (pourquoi?).
Ainsi un collaborateur ne peut pas passer de la phase 0 à la phase 3 sans passer par la phase 2 et pour ce faire il devra impérativement faire le deuil de l'étape précédente.
En résumé, il faut retenir que toute interaction dans la vie professionnelle ou personnelle, suit un cycle en spirale qui s'enroule autour d'un axe. C'est une succession de 4 phases qui seront toutes vécues et traversées dans l'ordre suivant : phase 0, phase 1, phase 2, phase 3 et on recommence...
Ainsi un collaborateur ne peut pas passer de la phase 0 à la phase 3 sans passer par la phase 2 et pour ce faire il devra impérativement faire le deuil de l'étape précédente. Nous ne sommes pas tous égaux face au cycle. Certains mettent 1 jour pour faire un cycle d'autre peuvent rester bloqué 10 ans dans la phase 0.
Pour aller plus loin : "Les Responsables Porteur de Sens" Par Vincent Lenhardt aux éditions Organisation Eds D -Eyrolles. Le cycle de la Dépendance de Katherine Symor.
* RDO = Responsable donneur d'ordres (centré sur le contenu) RR = Responsable Ressources (centré sur le processus) RPDS= Responsable Porteur de Sens (centré sur le sens et la vision partagée)
** Le principe de Peter (1969) dit que chaque employé tend à s’élever à son niveau d’incompétence.
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